Prologue
— Qu’est-ce que tu veux?
— J’veux être un homme bon.
— On va faire un homme de toi. Tranquillement pas vite, ça s’en vient.
— Qu’est-ce que ça prend pour être un homme?
— Est-ce que tu connais la fable de l’oreiller et des couilles dorées?
— Quoi? T’es sérieux papi?
— Bon ok. J’vais te la conter. Attends-moi ici, j’vais chercher mon livre. T’es prêt?
— Oui.
***
Un jour, un jeune prince demanda à son grand-père ce qu’il devait faire pour devenir un homme. Le vieux sage lui répondit qu’il devait récupérer ses couilles. Et le garçon, à son tour: « Je les ai déjà, regarde, elles sont juste ici » « Non pas ça. Crois-moi, tes couilles sont sous l’oreiller de ta mère. C’est elle qui les protège. Va les chercher si tu veux devenir un homme ».
Un peu confus, mais déterminé à devenir un homme, le garçon alla voir sa mère et lui demanda: « Maman. J’aimerais être un homme. Est-ce que tu pourrais me donner mes couilles? ».
La mère, visiblement ébranlée par la question, lui répondit: « Ridicule! Tu es encore un enfant. Mon garçon chéri. Pourquoi veux-tu m’abandonner? Tu n’es pas bien ici avec moi? . »
Le garçon réalisa alors que sa mère était blessée par sa remarque. Il décida d’opter pour une stratégie différente ; lui prouver sa loyauté. Pour l’amadouer, il lui écrivit de grands poèmes d’amour, lui récita des chansons classiques et tricota même un long foulard qu’elle porta comme si son fils l’accompagnait.
Une fois avoir multiplié les culbutes pour l’impressionner, le garçon se réessaya: « Maman, j’espère que tu sais comme je t’aime… et comme je te suis dévoué. Maintenant, j’aimerais être un homme. Est-ce que tu pourrais me donner mes couilles? ».
Cette fois-ci, la mère était calme et détendue, elle répondit avec douceur: « Mon garçon. Tu n’es pas prêt. Pour devenir un homme, tu dois d’abord te responsabiliser. Être autonome. Chaque chose en son temps, maman t’aime beaucoup ».
Déçu, mais tout autant déterminé, le garçon se retroussa les manches et se mit à l’ouvrage. Chaque matin, il fit son lit et s’assura que sa chambre était dans un état impeccable. Il se mit à laver, repasser et plier tous ses vêtements par lui-même. Il déploya un effort constant pour maintenir une conduite exemplaire. À l’école, il obtint une mention d’excellence pour ses résultats académiques.
Une fois avoir accumulé ses responsabilités, il retourna à sa mère et se réessaya: « Maman, à l’école comme à la maison, je m’occupe de moi-même sans l’aide de personne. Je suis prêt à être un homme. Est-ce que tu pourrais me donner mes couilles? ».
Sa mère lui répondit ceci: « C’est vrai, tu es un très bon garçon. Le meilleur garçon du monde. Mais, je ne vais pas te les donner. C’est hors de question. Arrêtons d’en parler. Allez, passe à autre chose maintenant. Maman t’aime beaucoup ».
Une fois de plus, le garçon essuya un rejet. Cette fois-ci, c’en était trop. Le garçon éclata de colère. Il claqua la porte derrière lui si fort qu’un cadre tomba. Et sous un ciel étoilé, il beugla comme un loup, ramassant les branches sur son chemin pour les pulvériser de toutes parts.
Une fois épuisé, et à bout de branches à casser, il s’arrêta. Assis sur une roche, il se mit à pleurer, et à pleurer. Désespéré, il s’apitoya sur son sors. Il se mit à regretter le foulard, les lettres d’amour et chacun de ses efforts. Cette scène piteuse dura la presque totalité de la nuit.
Lorsqu’il revint dans sa chambre, il avait dans les yeux la détermination d’un conquérant. Il ramassa ses items favoris pour les fourrer dans son sac à dos. Une fois la nuit tombée, Il prit la fuite par la fenêtre de sa chambre et s’oublia dans la forêt.
Le lendemain, le surlendemain et le jour d’après, la mère connut la misère. Elle était complètement affolée. Elle cogna à toutes les portes du voisinage, criant le nom de son protégé sur tous les toits. Elle prit même l’initiative de publier une récompense pour ceux qui auraient de l’information.
Au bout de trois journées, qui lui donnèrent plus de cernes qu’une décennie, elle revit finalement son fils, devant la porte d’entrée, assis.
— Ah mon bébé!! Où étais-tu? J’étais morte d’inquiétude!!!
— Je suis partie dans la forêt. Je ne veux plus être un garçon, je suis un homme. Je ne reviendrai à la maison que si tu me donnes mes couilles.
— Ne sois pas ridicule. Tu es plein de terre. Rentre à la maison, je vais te faire un bon repas chaud, te couler un bain et te couvrir de vêtements propres. On parlera par la suite. Maman t’aime beaucoup
À contrecœur, mais en écoutant son estomac, le garçon marcha en titubant vers l’entrée et accepta l’embrassade de sa mère. Il se délecta ensuite d’un pâté au poulet cuisiné avec toute la tendresse et l’affection imaginable.
Le ventre plein, il s’écrasa dans son lit aux draps fraîchement lavés et plongea dans un sommeil profond….
l’oreiller et les couilles dorées II