Prologue
Il était une fois, un jeune prince qui s’ennuyait seul dans son château. Il avait la chance d’apprendre les lettres, l’algèbre, la cartographie, l’histoire, la morale, l’anatomie et tout ce dont un noble pouvait rêvé. Mais voilà, le jeune prince apprenait vite et s’ennuyait lentement. Il rêvait de sortir des murs du château, découvrir le monde, conquérir de nouveaux territoires, prendre part à des duels épiques et même risquer sa vie s’il le fallait. Encore et toujours, on lui répéta qu’avant de quitter le château, il lui fallait maturer. Pour survivre à l’extérieur des barricades, il fallait être un homme.
Un beau jour, il décida que c’en était assez. Une fois pour toute, il allait devenir un homme. Il lui vint à l’esprit que pour y parvenir, il devrait demander conseil à l’homme le plus glorieux qu’il connaissait: son grand-père. Ce véritable héros, qui avait survécu la guerre, avait rédigé plus de verset poétique qu’il n’y avait d’homme dans le royaume. On le surnommait le clairevoyant, pour sa capacité à toujours prendre la bonne décision.
Comme à l’habitude, le jeune prince le retrouva assis sur sa roche, près de l’étang: « Grand-père, que dois-je faire pour devenir un homme? ». Le vieux sage retourna la tête lentement vers son petit fils. Il se reconnut lui-même dans le portrait du garçon ambitieux et précoce. Il n’en dit pas tant, pour ne pas lui imposer un destin qui n’était pas le sien:
« Pour être un homme, tu dois récupérer tes couilles »
Et le garçon, visiblement irrité, répondit simplement: « de quoi tu parles? Je les ai déjà » et en pointant son pantalon: « Elle sont juste ici ». Le maître garda le même ton: « Non, pas ça. Les couilles dont tu as besoin sont sous l’oreiller de ta mère. C’est elle qui les protège. Si tu veux réellement devenir un homme, tu devras lui reprendre ».
Un peu confus, mais déterminé à devenir un homme, le garçon alla voir sa mère et lui demanda: « Maman. Je veux être un homme. Pourrais-tu me rendre mes couilles? ». La mère, visiblement ébranlée par la question, lui répondit: « Ridicule! Tu es encore un enfant. Mon garçon chéri. Pourquoi veux-tu m’abandonner? Tu n’es pas bien ici avec moi? »
Le garçon réalisa alors que sa mère était blessée par sa remarque. Il décida d’opter pour une stratégie différente ; lui prouver sa loyauté. Pour l’amadouer, il lui écrivit de grands poèmes d’amour, lui récita des chansons classiques et tricota même un long foulard qu’elle porta comme si son fils l’accompagnait.
Une fois avoir multiplié les culbutes pour l’impressionner, le garçon se réessaya: « Maman, j’espère que tu sais comme je t’aime… et comme je te suis dévoué. Maintenant, j’aimerais être un homme. Est-ce que tu pourrais me donner mes couilles? ».
Cette fois-ci, la mère était calme et détendue, elle répondit avec douceur: « Mon garçon. Tu n’es pas prêt. Pour devenir un homme, tu dois d’abord te responsabiliser. Être autonome. Chaque chose en son temps, maman t’aime beaucoup ».
Déçu, mais tout autant déterminé, le garçon se retroussa les manches et se mit à l’ouvrage. Chaque matin, il fit son lit et s’assura que sa chambre était dans un état impeccable. Il se mit à laver, repasser et plier tous ses vêtements par lui-même. Il déploya un effort constant pour maintenir une conduite exemplaire. À l’école, il obtint une mention d’excellence pour ses résultats académiques.
Une fois avoir accumulé ses responsabilités, il retourna à sa mère et se réessaya: « Maman, à l’école comme à la maison, je m’occupe de moi-même sans l’aide de personne. Je suis prêt à être un homme. Est-ce que tu pourrais me donner mes couilles? ».
Sa mère lui répondit ceci: « C’est vrai, tu es un très bon garçon. Le meilleur garçon du monde. Mais, je ne vais pas te les donner. C’est hors de question. Arrêtons d’en parler. Allez, passe à autre chose maintenant. Maman t’aime beaucoup ».
Une fois de plus, le garçon essuya un rejet. Cette fois-ci, c’en était trop. Le garçon éclata de colère. Il claqua la porte derrière lui si fort qu’un cadre tomba. Et sous un ciel étoilé, il beugla comme un loup, ramassant les branches sur son chemin pour les pulvériser de toutes parts.
Une fois épuisé, et à bout de branches à casser, il s’arrêta. Assis sur une roche, il se mit à pleurer, et à pleurer. Désespéré, il s’apitoya sur son sors. Il se mit à regretter le foulard, les lettres d’amour et chacun de ses efforts. Cette scène piteuse dura la presque totalité de la nuit.
Lorsqu’il revint dans sa chambre, il avait dans les yeux la détermination d’un conquérant. Il ramassa ses items favoris pour les fourrer dans son sac à dos. Une fois la nuit tombée, Il prit la fuite par la fenêtre de sa chambre et s’oublia dans la forêt.
Le lendemain, le surlendemain et le jour d’après, la mère connut la misère. Elle était complètement affolée. Elle cogna à toutes les portes du voisinage, criant le nom de son protégé sur tous les toits. Elle prit même l’initiative de publier une récompense pour ceux qui auraient de l’information. Au bout de trois journées, qui lui donnèrent plus de cernes qu’une décennie, elle revit finalement son fils, devant la porte d’entrée, assis.
— Ah mon bébé!! Où étais-tu? J’étais morte d’inquiétude!!!
— Je suis partie dans la forêt. Je ne veux plus être un garçon, je suis un homme. Je ne reviendrai à la maison que si tu me rend mes couilles.
— Ne sois pas ridicule. Tu es plein de terre. Rentre à la maison, je vais te faire un bon repas chaud, te couler un bain et te couvrir de vêtements propres. On parlera par la suite. Maman t’aime beaucoup
À contrecœur, mais en écoutant son estomac, le garçon marcha en titubant vers l’entrée et accepta l’embrassade de sa mère. Il se délecta ensuite d’un pâté au poulet cuisiné avec toute la tendresse et l’affection imaginable. Le ventre plein, il s’écrasa dans son lit aux draps fraîchement lavés et plongea dans un sommeil profond….