Epilogue
La garçon avançait à travers la densité de la jungle. Les arbres, arborant un vert vibrant, laissaient passer leurs rayons lumineux. Il gambadait avec insouciance et légèreté, chevauchant les obstacles en y prenant plaisir. Les singes, papillons, reptiles et bestioles de tout genre l’accompagnaient, émerveillés par le spectacle.
Le garçon s’arrêta momentanément lorsqu’il entendit le torrent qui tombait à proximité. En se rapprochant du son, il arriva devant une chute d’eau monumentale. Même à distance, les gouttelettes formaient un épais nuage qui recouvrait la scène.
Le garçon poursuivit sa marche en direction de la chute. Il avança dans le brouillard, perdant graduellement ses repères. Il avança avec résilience, pas à pas, jusqu’à ce qu’il parvienne à… rien. Il ne voyait plus rien, ni devant, ni derrière.
Le bruit de la chute était si fort qu’il englobait le garçon avec tout autant de distraction. Au moment même où la panique monta en lui, une forme se dessina dans la brume. Il se rapprocha…
« tssssssss….. tsssssss……..sssssalut mon petit. »
Pris de peur, le garçon se retourna brusquement pour prendre la fuite. À sa surprise, le serpent lui fit encore face. Il était encerclé par ses copies conformes. L’évasion était impossible. Et d’une voix à l’unisson, le groupe de serpents poursuivit son discours tranchant:
« tsssss….. il est trop tard maintenant…..…tsssssuu croyais pouvoir courir dans la jungle sans sssscicatrices?…. tssssu n’es pas d’ici….que vas-tsssu manger……tsssss…..reviens à la maison…..tsss…. je t’ai préparé un pâté au poulet bien chaud… »
Le garçon se réveilla en sueur et sursaut, à la fois tyrannisé et soulagé.
Dès sa levé du lit, il voulut se distraire l’esprit et profiter des petits plaisirs de la vie.
Mais, l’air était d’une pesanteur insupportable. Et pourtant, autour de lui, il n’y avait qu’une douce température d’été et sa mère, revitalisé par le retour de son fils adoré.
La journée se déploya comme un long tiraillement où il essaya de s’arracher du serpent. Encore et encore, il se sentait observé par celui qui l’encerclait et le regardait sournoisement.
Une fois la nuit tombée, la fièvre s’empara du garçon. Recroquevillé dans son lit, il se comprimait sur lui-même. Il lui était impossible de bouger. Ses muscles était si contracté qu’Il craignait de les rompre en s’allongeant.
Plus inquiétantes encore, si l’on se fie à la mère, furent les plaques rouges qui lui couvraient le corps. La mère pleurait à chaudes larmes, tout en essayant, en vain, de se montrer rassurante. Elle répétait sans cesse: « un virus passager, assurément ».
Elle se devait de partir à la recherche du docteur, ou a tout de moins, rapporter des soins. Elle embrassa son petit et lui fait promettre de ne pas avoir peur, car elle reviendra avec des remèdes pour guérir ce qu’il avait attrapé dans la forêt.
Pendant ce temps, le garçon ne vit plus le serpent. Il était le serpent. Et entre chaque instant, il se sentait métamorphosé. Il était un moine sans visage prêt à mourir immolé, un esclave se libérant de ses chaînes et un Viking affrontant la colère de l’océan.
Un va-et-vient d’âme où il puisait de chaque homme le pouvoir de son personnage. Le courage, la résilience, la sagesse et la tempérance circulèrent dans son sang. Il se laissa emporter par le courant, trouvant refuge dans son esprit délirant.
Jusqu’à ce qu’une porte s’ouvrit dans l’obscurité. La lumière jaillit de l’ouverture, apportant avec elle un calme apaisant. Une filon de clairvoyance traversa le garçon.
Il n’a jamais raconté ce qu’il a vu, ou entendu, durant cette brèche de lucidité. On sait qu’il s’est levé du lit, encore fiévreux, et qu’il a rempli son sac à dos.
Il traversa la chambre parentale, leva l’oreiller et constata qu’elles étaient bien là: les couilles dorées.
Une fois au pied de la porte d’entrée, il prit une pause. Une pause pour considérer sa mère, qui reviendrait à la maison, complètement abattue par l’absence de son fils. Il en prit conscience, et continua son chemin.
Et il avait raison. La mère n’a jamais revu le garçon. Jour et nuit, elle pleura sa mort et maudit la forêt de lui avoir enlevé, son bien aimé.
Jusqu’au jour où, traversant le jardin de la cour, sac à l’épaule, un homme, qui fut jadis un garçon, marcha vers elle, après une longue aventure qui l’amena à lui-même.
FIN
— Hmmm…. J’adore. Merci papi.
— Je savais que tu l’aimerais.
— Est-ce que c’est ça qui est arrivé à mon père?
— Pas vraiment. Ça, ce sera pour une autre histoire.