« … [ Elle ] ne voulait pas d’enfant. Elle voulait élever la nation. 30 ans plus tard, sa nation a perdu son enfance. La nation est devenue une adulte austère. Son portrait est repeint chaque jour par la Guerre »
La Guerre est divine. Il y aura toujours des Bibles pour en raconter l’histoire et aucune pour l’expliquer. Il faut y croire. La Guerre se vit. Elle est un état d’âme. Pendant des mois, des années, une éternité, on demandera comment ça va - et c’est la Guerre.
La Guerre est divine. Transcendante. Trans-sang-dante. Elle a ton sang comme le mien. Elle est l’œuvre qui dépasse l’artiste. Une peinture qui s’étend d’une toile à l’autre. Elle possède celui qui l’arme. Regardez: le portait d’un homme-pantin de sa peine.
La Guerre est divine. Surréalisme pragmatique. On réduit la taille d’un homme à son allégeance. Une salle pleine de pilules vide. Posologie au taux de violence. La Guerre se fou du cadre et des couleurs. Garde-à-vous, un voisin au vis-à-vis.
La Guerre est sublime. La muse qui épouse le poète. Le fantasme éternel. On ne peut sauver sa vie après l’avoir enlevé ailleurs. Ça ne marche pas comme ça. La Guerre séduit les rêves jusqu’au dernier jour du condamné.
Sur-vivre. Une fois qu’on passe par là, on en redescend pas. Il n’y a pas de plans pour sous-vivre et juste - vivre. On peut vouloir se réfugier, on dé-vie jamais. Mon père, on dit de lui qu’il a sur-vécu. Il est saturé.
Mon père n’en parle jamais. Jamais. Jamais il ne mentionne la Guerre. Non, il parle du voisin qui l’observe. De l’État-ennemi. De l’argent qu’on lui vole. De l’autre camp et de sa femme qui complotent. La Guerre le garde en otage.
La Guerre comme on l’imagine; avec des armes, des munitions, des larmes et des combats, il la voit dans les paniers d’achats, sur mes bulletins ou dans une file d’attente. Le trauma est à la Guerre son plus vaillant soldat.
La Guerre est divine, car intouchable et prenante. On l’éloge et la condamne. Elle est défense et médisance. Courage et cruauté. Elle achète des enfants et vend des films. L’homme ou La Guerre, l’œuf ou la poule, on l’ignore. La Guerre n’a ni drapeau ni corps.
Je le sais tout ça, je la connais bien, elle est l’âme de mon père.